La puissance de ce Thankga intitulé « Sita Tara et Avalokiteshvara : Sagesse née de la compassion et unifiant les Trois Sphères » ne provient pas seulement de sa beauté ou de sa perfection en tant qu’œuvre d’art. Il a la capacité de transformer votre être intérieur.
L’artiste Jampay Dorje déclare :
“Derrière chaque aspect de l’image, chaque geste et chaque élément du paysage, il y a un sens. Ce sens est profond. Il ne s’agit pas seulement d’une compréhension conceptuelle ; il s’agit de réalisations concrètes. Vous peignez un objet qui peut être atteint directement avec l’esprit… et d’états d’esprit que le spectateur peut atteindre. Si l’esprit du spectateur est aiguisé et la motivation de son cœur correcte, alors pour cette personne être en contact avec l’image peut revenir à être en présence de Bouddha. Avoir le thangka sur le mur, c’est avoir le Bouddha dans la chambre. Dans ce contexte, la représentation du corps d’un bouddha est extrêmement profonde. L’objet est vide de qualités inhérentes : en fonction du spectateur, l’image existe à un niveau qui va d’une chose sans valeur à quelque chose qui est l’objet le plus précieux du monde”.
Ce Thankga représente Tara sous sa forme blanche dans laquelle elle est souvent vue incarnant compassion et longue vie. Dans le bouddhisme tibétain, Tara est à la fois un Bodhisattva et un Être éveillé. Parfois reconnue comme Mère de tous les Bouddhas (parce que la perfection de la sagesse dans la méditation est ce qui produit ou « donne naissance » à la bouddhéité), Tara est également considérée comme la partenaire spirituelle de Avalokiteshvara. Son nom signifie à la fois étoile et sauveur : la racine tar en sanskrit, « traverser », se réfère à sa capacité à défier la mort ordinaire et à aller au-delà de l’océan des renaissances forcées jusqu’à l’illumination consciente. Le succès dans la pratique de Tara blanche peut permettre d’accéder à une longue vie. Une histoire tibétaine raconte comment Tara est née des larmes d’Avalokiteshvara : en arrivant au sommet de Marpori, la ‘Colline Rouge’, à Lhassa, il réalisa la souffrance de myriades d’êtres qui vivaient une souffrance sans fin. Ce fut une prise de conscience si terrible que des larmes jaillirent de ses yeux. De ses larmes de compassion tombées sur le sol, Tara naquit sous deux formes : de l’œil gauche, la paisible forme blanche, et de l’oeil droit la forme d’un vert plus vif.
L’artiste décrit son oeuvre ainsi :
« Sainte Sita Tara est assise sur un lotus flottant doucement dans les airs, entourée du disque d’une lune tranquille et radieuse comme le ciel de midi. Derrière elle, une chaîne de montagnes voilées se laisse entrevoir à travers une brume estivale. Etincelant d’une lumière blanche et irisée, comme l’astre qui l’entoure, Sita Tara observe paisiblement tous les êtres. Dans sa compassion sans faille, elle apporte un témoignage d’amour pour tout ce qui survient … comme si sa sagesse voyait directement une réalité heureuse qui ne peut être mise à mal par les apparitions fugaces de plaisir et de douleur ; de succès et d’échec ; de stabilité et d’inconstance.
En dessous, Avalokiteshvara Bodhisattva est assis sous un arbre dans une posture de demi-lotus. Ses yeux contemplent avec amour une autre Sita Tara beaucoup plus petite, visible au niveau de son cœur. Des torrents d’eaux nées des larmes qu’il vient de verser jaillissent contre la formation semblable à un rocher sur lequel le bodhisattva est assis. Un sentiment d’urgence imprègne ce courant impétueux ; pourtant, au-dessus, Bodhisattva Avalokiteshvara et Sita Tara demeurent sereins. Indivisibles, intouchables, et apparemment en dehors du temps, ils semblent être installés en ce lieu que T.S. Eliot appelle « le point de quiétude du monde tournoyant ». Enveloppés dans l’air divin, en sécurité au-dessus de l’eau tourbillonnante, les deux compagnons délicieusement incarnés et remplis de compassion se regardent dans un paysage onirique venu d’un autre monde. Merveilleusement calmes… apaisés… accomplis. Dans un espace de clarté lumineuse, Avalokitehsvara et Sita Tara se rencontrent dans une danse infinie de pureté qui reste disponible à chaque instant ».
Dans cette œuvre, Jampay Dorje représente « trois sphères »: la sphère de celui qui voit (Avalokiteshvara), la sphère de l’objet perçu (Sita Tara), et la sphère de l’acte de voir, visuellement représenté par la mer de larmes. « Chaque ‘sphère’ vient de l’une des trois tiges attachées à ce même lotus né de l’eau », explique Jampay. « Aucun chemin, aucun déplacement sur le chemin, et aucun voyageur sur le chemin ne pourrait jamais exister séparément du désir vertueux de devenir éclairé pour le bien des autres. Bien au contraire, c’est le désir de devenir éclairé qui plante la graine même qui mûrit dans le fruit de la sagesse. Ainsi c’est la compassion d’Avalokiteshvara qui fait naître la sagesse sous la forme de Sita Tara. En Sita Tara, nous voyons le reflet, le résultat et la personnification de sa compassion. »
Cette oeuvre montre l’interdépendance de tout ce qui est : chaque élément apparemment séparé est lié à l’ensemble. L’action réunie de Sita Tara et d’Avalokiteshvara représente la sagesse née d’une puissante vague de compassion qui ouvre notre cœur. Sita Tara symbolise la pureté de notre propre amour altruiste pour les autres. Le souhait d’aimer porté au plus haut dans nos cœurs donne naissance à Tara qui incarne cette même énergie.
Au même instant, l’œuvre en soi concentre et dégage la même énergie : l’artiste apparaît comme un canal et ses œuvres d’art comme l’expression authentique du cheminement vers l’illumination. En observant ce processus à un double niveau – la scène représentée ainsi que l’acte de représenter – le spectateur en devient partie prenante. En ce sens, être en contact avec l’image revient à être en contact avec l’amour universel de Tara. Ce Tangkha peut transformer les êtres qui prennent conscience de ces trois sphères qui s’appliquent à tous les phénomènes et à eux-mêmes. En représentant Tara, Jampay Dorje offre une occasion unique de planter des graines qui germeront sur le chemin authentique vers l’illumination.